07/06/2021 - Général
Vaccins vs variants : quid de la situation du secteur touristique un an après le premier déconfinement ?
Vaccins vs Variants : quid de la situation du secteur touristique un an après le premier déconfinement ?
Depuis près d’un an, les différentes mesures sanitaires ont contraint à réduire au maximum les déplacements touristiques internationaux. Alors que la pandémie a lourdement touché le secteur du tourisme durant l’année 2020, la vaccination contre le Covid-19 redonne une lueur d’espoir aux pays qui mettent tout en œuvre pour préparer l’arrivée des touristes sur leurs territoires. L’objectif principal de la saison estivale 2021 est de rattraper le retard accumulé et d’accueillir les voyageurs avec le moins de restrictions possible.
Un secteur durement touché durant l’année 2020
Alors que le nombre de cas de Covid-19 dans le monde commence seulement à baisser, l’économie du tourisme reste sévèrement fragilisée par la pandémie et particulièrement par les mesures adoptées afin d’endiguer le virus. D’après une édition sortie durant l’été 2020 du Baromètre de l’Organisation Mondiale du Tourisme, l’ensemble des restrictions pour contrer la crise sanitaire a entraîné une baisse de 70% du nombre d’arrivées des touristes internationaux en août par rapport à 2019. Une chute entraînant des conséquences négatives considérables sur le secteur du tourisme qui voit son activité fonctionner au ralenti. Ce chiffre se traduit en effet par une baisse de 700 millions de touristes et, surtout, représente une perte de 730 milliards de dollars en termes de recettes, soit huit fois le montant perdu lors de la crise économique de 2009.
L’effondrement de ces chiffres du tourisme a mis en danger l’emploi et donc la survie de millions de personnes dans le monde. En effet, 100 à 120 millions d’emplois liés au secteur du tourisme ont été menacés durant l’année 2020. L’ensemble des restrictions de la crise sanitaire et l’absence de touristes ont dû contraindre à la fermeture de nombreux restaurants, bars, hôtels laissant les employés de ces enseignes sans revenus à part certaines aides accordées par l’état. Zurab Pololikashvili, le secrétaire général de l’OMT a averti « Ces chiffres les plus récents montrent clairement combien il est important de faire redémarrer le tourisme dès qu’il est sûr de le faire. L’effondrement du tourisme international met en danger les moyens d’existence de millions et de millions de personnes, notamment dans les pays en développement. Les gouvernements de toutes les régions du monde ont une double responsabilité : donner la priorité à la santé publique tout en protégeant aussi l’emploi et l’activité d’entreprise. ». Cette épidémie, en touchant le secteur du tourisme, a entraîné une baisse de 1,5% à 2,8% du PIB mondial.
Le Covid-19 a eu un impact dévastateur sur le tourisme mondial autant pour les pays développés que pour les pays en développement. Cependant, il a touché plus durement ces derniers. En effet, les pays dits riches ont un PIB qui repose sur de nombreux domaines. Même si le secteur du voyage a été ébranlé, les pays ont pu se rattraper dans d’autres domaines tels que les entreprises du luxe qui voient leurs chiffres d’affaires augmenter depuis début 2021, alors que les pays moins avancés sont beaucoup plus dépendants aux échanges mondiaux. Entre 2000 et 2019, les arrivées de touristes internationaux dans les pays en développement ont augmenté de 9,7% alors que pour le monde entier, cette hausse ne s’élève qu’à 4,8%.
De plus, les pays riches et pauvres connaissent de grosses inégalités quant aux aides proposées par les états. Par exemple, en France, même si les restaurateurs ont vu leurs revenus baisser à cause de la fermeture de leurs établissements, ils ont quand même eu la chance de bénéficier d’aides accordées par le gouvernement français. Alors que dans des pays en développement tels que le Mexique, aucune aide ne leur a été octroyée, c’est pour cela que de nombreux restaurateurs ont dû maintenir leurs ouvertures malgré la pandémie qui fait rage dans le pays et multiplie le nombre de décès chaque jour.
Un début d’année qui reste difficile
Pendant le premier trimestre, les arrivées de touristes internationaux ont baissé de 83%, soit 180 millions d’arrivées en moins par rapport au premier trimestre 2020. C’est l’Asie-Pacifique qui se voit le plus durement touchée avec une chute de 94% sur ces trois premiers mois de l’année. L’Europe se place à la deuxième place, affichant une baisse de 83%, suivie de l’Afrique (-81%), du Moyen-Orient (-78%) et enfin des Amériques (-71%). Les restrictions généralisées sur les voyages font donc de ce début d’année 2020, le pire premier trimestre de l’histoire du secteur du tourisme. Même si ces chiffres peuvent sembler alarmants, l’Organisation Mondiale du Tourisme reste confiante sur une légère reprise durant les vacances d’été 2021. Cependant, près de la moitié des experts ne misent pas sur un retour du tourisme international au même niveau qu’en 2019 avant 2024, voire pire. Ils affirment en effet que le manque de coordination des protocoles sanitaires entre les pays et le maintien des restrictions sur les voyages sont les principaux obstacles au rebond du secteur. Des chiffres peu encourageants quant à la reprise totale.
La baisse du nombre de touristes internationaux a aussi entraîné une autre conséquence économique : la baisse des exportations mondiales. En 2020, les exportations mondiales globales ont chuté de 4%. La perte totale des recettes d’exportations du tourisme international comprenant aussi le transport des voyageurs se chiffre à plus de 1 100 milliards de dollars, une somme astronomique qui s’annonce difficile à rattraper.
Une lueur d’espoir grâce au passeport sanitaire
Depuis quelques mois la campagne de vaccination mondiale bat son plein. En effet, depuis maintenant plusieurs mois, l’ensemble des états encouragent leurs populations à se faire vacciner. Quatre différents vaccins sont administrés en Europe : Pfizer-BioNTech, Moderna, AstraZeneca et Johnson&Johnson. En France, la campagne vaccinale a débuté fin décembre 2020 et ne cesse d’augmenter depuis. Au 1er juin 2021, le nombre de premières doses administrées s’élève à 26 millions. Même si le Covid-19 n’est clairement pas derrière nous quand on regarde les chiffres inquiétants au Brésil ou en Inde, cette nouvelle ne peut que ravir les différents gouvernements souhaitant à tout prix relancer l’activité touristique dans leurs pays.
C’est pour cela qu’après des négociations très houleuses, les eurodéputés et les représentants des Vingt-Sept pays de l’Union Européenne sont arrivés à un accord mettant en place un passeport sanitaire. En France, il doit rentrer en vigueur le 9 juin 2021, à la date du troisième stade de déconfinement, et le 1er juillet 2021 en Europe. Le passeport sanitaire sera équivalent pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Il comprendra trois différents documents aux choix de la personne : le certificat de vaccination contre le Covid-19, le certificat de rétablissement sous les six derniers mois de la maladie ou un certificat de test PCR négatif. Il sera obligatoire pour accéder, par exemple, à des évènements de plus de mille personnes mais surtout pour faciliter les voyages hors de la France. Le 20 mai, lors du vote de ce passeport, les eurodéputés se sont prononcés en faveur d’un certificat permettant les voyages à l’intérieur de l’Union Européenne. Le texte a indiqué que « Les titulaires d'un certificat européen Covid-19 ne seront pas soumis à des restrictions de voyages supplémentaires, telles que la quarantaine, l'autoconfinement ou le dépistage ».
Des pays qui font preuve de créativité pour attirer les voyageurs
Depuis mars 2020, l’Union Européenne est fermée pour l’ensemble des voyages jugés non-essentiels, à l’exception de six pays : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Rwanda, Singapour, la Corée du Sud et la Thaïlande, dont le taux d’incidence du Covid-19 sur quatorze jours est inférieur à 25 pour 100.000 habitants. Pour remédier à cela et à nouveau accueillir les touristes à l’approche des beaux jours, les pays se préparent différemment.
En Croatie, certaines villes ont pour idée de séparer les habitants et les touristes étrangers. En effet, le maire de Dubrovnik, souhaiterait mettre en place un pont aérien passant par la Suisse et des transports maritimes vers des îles désertées pour que seuls les touristes puissent y passer leurs vacances paisiblement. Cette technique permettrait de relancer le tourisme tout en protégeant la population locale.
Dans la même idée que la Croatie, la Grèce voudrait mettre en place des îles dites « Covid-free » pour accueillir les voyageurs. En effet, le pays redouble d’efforts pour vacciner la totalité de la population des îles en mer Egée et Ionienne avant de vacciner les plus grandes villes grecques. Dans quel but ? Accueillir les touristes sur des îles entièrement « vaccinées » afin qu’aucune infection ne soit possible.
Il en va de même pour l’Italie. Alors qu’avant l’épidémie, le secteur du tourisme représentait 14% du PIB, le pays met tout en place pour rattraper son retard accumulé lors de l’année précédente. L’Italie adopte la même technique des îles « Covid-free » où l’ensemble de la population des archipels du Mezzogiorno sera vacciné et donc enlèvera la crainte d’une possible infection lors des voyages. Le Premier ministre italien Mario Draghi, lors d’une réunion ministérielle du G20 à Rome sur le tourisme, a affirmé que « Le monde veut voyager en Italie. L'Italie est prête à accueillir le monde. Je n'ai aucun doute que le tourisme repartira aussi fort qu'avant, voire encore plus fort qu'avant ».
Malte a quant à elle pour idée de proposer des chèques cadeaux pouvant aller jusqu’à deux cents euros afin d’encourager la venue d’étrangers. Le directeur de l’Office de tourisme de Malte en France, Dominic Micallef a affirmé « Cette somme sera offerte sous forme de prestations à utiliser dans son hôtel, par exemple pour un soin au spa, un repas au restaurant ou une consommation au bar ».
Aux Maldives, même si le gouvernement explique ne pas avoir recours à ce projet dans l’immédiat, certains médias locaux ont mentionné la volonté des autorités d’offrir la vaccination aux touristes internationaux. Cette mesure pourrait être adoptée une fois que l’ensemble de la population des îles sera vacciné. Aujourd’hui, plus de la moitié des 390.000 habitants ont eu au moins accès à leur première dose.
L’idée est semblable aux États-Unis, et plus précisément dans sa ville la plus touristique, New York, où son maire Bill de Blasio travaille avec le gouverneur de l’état pour proposer à l’ensemble des touristes souhaitant rejoindre la ville de se faire vacciner sur place. Cette campagne de vaccination gratuite se ferait par les vaccins Johnson&Johnson, ne nécessitant qu’une seule dose pour être efficaces. Si acceptée, cette campagne serait effective une fois que la totalité des new-yorkais aurait eu accès à leur seule et unique dose. Pour la mettre en place, des vans seraient installés sur les nombreux endroits touristiques tels qu’à Times Square ou encore au pied de l’Empire State Building.
Quant à l’Espagne, le pays laissera rentrer toute personne vaccinée à partir du 9 juin prochain.
La crainte d’une reprise qui reste dans l’air
Malgré une campagne de vaccination mondiale qui s’accélère depuis maintenant plusieurs semaines, la peur d’une reprise de l’épidémie selon les experts de la santé ne faiblit pas. La course de vitesse entre vaccins et variants perdure. Les variants indiens, sud-africains et brésiliens qui circulent en Europe sont très préoccupants. Touché par l’un d’entre eux, le risque d’être hospitalisé ou admis en réanimation en cas d’infection est accru, et ce même chez des patients d’âge moyen sans comorbidité. C’est pour cela que les pays misent sur une vaccination totale de la population pour empêcher les variants de toucher durement leurs habitants.
Toutefois, même si l’on se rapproche petit à petit de cet objectif, les experts de la santé restent sceptiques. Ils affirment en effet que les mois qui viennent seront très incertains. Ils craignent la reprise d’une quatrième vague de l’épidémie dû à un allègement des restrictions afin de relancer l’économie en pleine période estivale. Le conseil scientifique alerte que l’épuisement du personnel soignant ne permettra pas de prendre en charge une même capacité de personnes en soins intensifs que lors des vagues précédentes, surtout si cette vague a lieu pendant une période de canicule. « Pour éviter cette grosse vague, il faut vacciner 500.000 personnes par jour jusqu'au 30 juin », a affirmé Lila Bouadma, membre du Conseil scientifique et réanimatrice à l'hôpital Bichat à Paris.
Réalisé par Roxane Bass, avec l’aide de Marc Dagher